Le journal Femmes et Justice

Des crimes et des femmes Automne 1996

Le cadre juridique actuel au Canada

La prostitution (incluant la prostitution de rue, les services d’escorte, les agences de massage et les maisons de débauche)

La prostitution en soi, c’est-à-dire l’échange de faveurs sexuelles contre argent, n’est pas ni n’a jamais été illégale au Canada.
Présentement, le Code criminel prohibe la plupart des activités reliées à la prostitution ou qui en permettent la pratique, soit:
- la communication dans un endroit public aux fins de prostitution (a.213c);
- le fait de transporter quelqu’un, d’indiquer une maison de débauche ou de s’y trouver (a.211);
- le fait de vivre des fruits de la prostitution (a.212);
- le fait de fournir les services ou d’obtenir pour une autre personne les services sexuels (a.212).
En 1985, le Comité spécial sur la pornographie et la prostitution (le Comité Fraser) a recommandé la décriminalisation partielle des activités reliées à la prostitution entre adultes (à l’exception des dispositions sur l’exploitation) et sa régulation au niveau municipal. Aucune des recommandations du Comité n’a été acceptée, au lieu de quoi le ministre de la Justice de l’époque a soumis un projet de loi accentuant la répression de la sollicitation publique, adopté par le Parlement en décembre 1985. Cette loi poursuivait trois objectifs: (1) réduire le niveau de prostitution de rue; (2) traiter les clients sur le même pied que les prostituées; et (3) faciliter les enquêtes policières.
Une évaluation de la mise en śuvre de la législation après trois ans était prévue dans la loi. Les principales conclusions de cette évaluation sont présentés en page 13.
À ce jour, les municipalités ne peuvent pas réglementer les activités reliées à la prostitution dans la mesure où les matières pénales sont un champ de juridiction exclusive fédérale (cf. la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Westendorp c. la Reine, 1983). Dans cette veine, la réglementation municipale ne pourrait vraisemblablement pas être une forme déguisée de criminalisation.

La danse nue

La danse nue n’est pas illégale à moins qu’il n’y ait contact entre la danseuse et le client, ce qui en fait un acte indécent en vertu du Code criminel. Certaines incertitudes demeurent cependant tant que la Cour suprême ne se sera pas prononcée dans quelques affaires pendantes. La danse nue a été jugée ne pas contrevenir aux dispositions du Code criminel relativement à l’obscénité dans la mesure où elle n’outrepasse pas les normes communautaires de tolérance.
Les municipalités peuvent réglementer certains aspects de la pratique des clubs de danseuses nues en vertu des Lois sur la consommation d’alcool et des règlements municipaux sur ces établissements. Des tentatives de réglementation de l’affichage extérieur des bars de danse nue ont été jugées anticonstitutionnelles en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

La pornographie

Au niveau fédéral: aucune loi ne contrôle spécifiquement la production de matériel pornographique, qu’il s’agisse de films ou de magazines. Seules s’appliquent les dispositions pertinentes du Code criminel (eg., actes indécents si nudité en public, agressions, etc.). Les lois fédérales concernant les Postes, les Douanes et les Télécommunications peuvent permettre de contrôler la distribution de matériel pornographique.
Les organismes provinciaux de contrôles et de classifications des films ont certains pouvoirs de contrôler le contenu, la distribution et la classification des films.
(Voir le rapport du Comité Fraser pour plus de détails.)

Les services érotiques téléphoniques et électroniques
Il existe peu de méthodes de contrôler ces services dans la mesure où les lignes téléphoniques et informatiques sont généralement considérées comme faisant partie du domaine privé.

Sources:

Achille, R., (1995) The Regulation of Prostitution, Rapport préparé pour le Toronto City Board of Health, 14 avril 1995.

Canada (1985), La pornographie et la prostitution au Canada, Rapport du Comité spécial d’étude sur la pornographie et la prostitution, Ottawa: Approvisionnement et services, 2 volumes.

Maggie’s (1995) Trick or Trap? Toronto: The Prostitutes’ Community Service Project.

Maggie’s (1995) No Bawdy’s Business, Idem.