Le journal Femmes et Justice

Des crimes et des femmes Automne 1996

Décriminalisation, vous avez dit ?

À notre connaissance, aucun pays n’a adopté, à ce jour, une approche de décriminalisation. Toutefois, ainsi qu’en témoignent plusieurs commissions d’enquête, la tendance des quinze dernières années va vers une forme de décriminalisation, même si aucun gouvernement n’a agi dans le sens de ces rapports d’enquête. C’est le cas du sort du rapport du Comité Fraser. La plupart des pays occidentaux ont adopté une approche mixte de régulation et de décriminalisation.
La Convention pour la suppression du trafic des personnes et l’exploitation de la prostitution des autres adoptée par les Nations Unies en 1949, signée par seulement 61 pays membres, est souvent source de confusion: elle ne visait ni à abolir toutes les formes de régulation de la prostitution par les états membres ni à justifier des approches criminalisantes. "Cette approche, souvent nommée abolitionniste, criminalise les activités de ceux qui exploitent ou forcent la prostitution des femmes (les lois sur les souteneurs et proxénètes), et veulent laisser les prostituées elles-même libres de toute régulation"¹.
La criminalisation signifie que des dispositions du Code criminel rendent illégale la pratique de la prostitution. Bien que le Canada n’ait jamais adopté cette approche, plusieurs analystes de la situation au pays concluent que notre approche criminalise la prostitution de facto.
La régulation "(ou légalisation) permet la prostitution sous certaines formes, habituellement par le zonage (limitation à certains quartiers) ou le permis (permis accordé à un certain nombre de prostituées qui peuvent travailler dans certains quartiers). Cette approche considère la prostitution comme un mal nécessaire sinon comme une nécessité sociale. Son objectif n’est pas tant de la faire disparaître que de la contrôler." (Davis et Shaffer, op. cit.)
Le Comité Fraser au Canada et un comité similaire en Australie ont recommandé une forme d’approche régulatoire.
Finalement, la décriminalisation "est le retrait total de toutes les infractions criminelles reliées à la prostitution, incluant celles qui traitent de l’exploitation ou de la cśrcition des prostituées. Non adoptée par aucun pays à ce jour, cette approche veut faire reconnaître la légitimité de la place des prostituées dans la communauté en faisant disparaître, minimalement, la distinction juridique entre elles et le reste de la société." (Davis et Shaffer, op. cit.)

Sources:

Davis, S., et Shaffer M., (1994), Prostitution in Canada: The Invisible Menace or the Menace of Invisibility?, Vancouver Sex Workers’ Alliance.
Reanda, L., (1991), "Prostitution as a Human Rights Question: Problems and Prospects of United Nations Action", Human Rights Quartely, 13.
Shafer, F.M., (1985), "Prostitution: A Critical Analysis of Three Policy Approaches" Canadian Public Policy, XI (3).