Des crimes et des femmes Printemps 1999

Une femme battue de Québec est acquittée de meurtre par la cour d’appel

par Nathalie Duhamel
 
En 1997, Micheline Vaillancourt avait été trouvée coupable du meurtre de son mari et ce, malgré les efforts de la défense pour faire valoir le syndrome de la femme battue.
 
Rappelons que, depuis l’arrêt Lavallée en 1990, on peut invoquer en défense le syndrome de la femme battue pour expliquer le contexte tout à fait particulier dans lequel se retrouvent certaines femmes.
 
En effet, ces femmes violentées, menacées de mort, se retrouvent parfois dans une situation de légitime défense quand elles tuent pour ne pas être tuées elles-mêmes. Elles ne voient pas d’autres avenues.
 
Dans la cause de Micheline Vaillancourt, la cour d’appel a jugé que les directives du juge de première instance au jury auraient dû être plus explicites à propos de la défense de femme battue. La cour d’appel a estimé que si le jury avait eu de meilleures explications quant au poids à accorder à la défense de femme battue, Micheline Vaillancourt aurait été jugée différemment.
 
La cour d’appel a donc prononcé l’acquittement. Cette décision tombe à point car elle nous permet d’expliquer à nouveau ce qui motive l’émergence de ce «droit nouveau».
 
Lysiane Gagnon, dans La Presse du 12 janvier 1999, s’intéressait à la question et n’hésitait pas à affirmer que comme il y a le Beaujolais nouveau, il y a maintenant le droit nouveau… Un droit qu’elle qualifie de «léger dont la fraîcheur masque les défauts et qui doit son succès au marketing davantage qu’à sa substance».
 
Dans cet article, Lysiane Gagnon estime que le recours en défense au syndrome de la femme battue n’est ni plus ni moins qu’un recul du principe de l’égalité de tous devant la loi. Pour elle, il vaut mieux être une femme qu’un homme si l’on décide d’assassiner son prochain, car on s’en tirera avec une chiquenaude.
 
La journaliste refuse de considérer la situation particulière de la femme battue et avance que les hommes peuvent aussi avoir été victimes de violence et d’abus. Contrairement aux femmes, ces derniers ne peuvent se servir de leur passé en défense comme le font les femmes avec le syndrome de la femme battue. Donc, le droit nouveau ne serait qu’un droit de double standard, une tendance, encouragée par la charte des droits, à traiter les justiciables différemment selon leur sexe.
 
Pour la journaliste, notre système judiciaire ne trouve jamais les femmes coupables, ce qui, à ses yeux, démontre que le système judiciaire pratique toujours le même vieux paternalisme.
 
Ouf ! Elle aurait mieux fait de nous consulter avant d’écrire n’importe quoi !
 
Depuis le temps qu’on parle de la situation des femmes battues, du désespoir qu’elles vivent, du syndrome qui les amène à réagir en légitime défense, on aurait pu croire qu’une partie de cette information finirait par atteindre l’élite d’opinion.
 
N’y a-t-il pas suffisamment de femmes battues qui sont assassinées par les abuseurs pour la convaincre?
 
Comment expliquer qu’une journaliste se fasse un point d’honneur de mettre sur le même pied que les autres meurtres celui d’un conjoint violent?
 
Pourquoi est-ce si difficile de traiter différemment les personnes accusées de meurtre, de considérer que la légitime défense puisse s’appliquer dans certains cas?
 
Il est fou de prétendre que ce faisant, le système judiciaire pratique un double standard, une discrimination en faveur des femmes qu’il ne trouve jamais coupables.
 
Un peu de recherche aurait permis de savoir que les femmes sont traitées et sentencées par les tribunaux comme le sont les hommes. Les délits commis par les femmes leur valent des sentences équivalentes à celles accordées aux hommes. Il y a des femmes en prison pour trafic de drogues, vols à main armée et meurtres à divers degrés.
 
Il est extrêmement dangereux de faire croire que les quelques femmes qui font valoir une défense de femmes battues et qui réussissent à convaincre la cour sont la preuve que les femmes ne sont jamais coupables et que, si on est un criminel de sexe féminin, on s’en tirera toujours.

D’où vient ce refus viscéral de reconnaître ce que les statistiques nous crient depuis des années :

Qu’y a-t-il de si difficile à accepter la dedans? De quoi a-t-on peur? Une preuve de légitime défense n’est pas facile à faire et nous ne sommes pas à l’aube d’une chasse à l’homme parce qu’il y a quelques femmes qui réussissent à démontrer à un jury qu’elles ne voyaient pas d’autres façons de se défendre.