Justice pénale Automne 2001

La résistance des femmes
De la victimisation à la criminalisation

Du 1er au 3 octobre dernier s’est tenue une première conférence internationale organisée par l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry (ACSEF) et l’Association canadienne des Centres contre le viol (ACCCV), sur le thème De la victimisation à la criminalisation.
 
Dans leur invitation, les organisatrices déclaraient que depuis près de 30 ans, les femmes et autres activistes ont choisi de conjuguer leurs efforts pour mettre fin à l’oppression qui afflige les femmes victimisées et criminalisées au Canada. La résistance des femmes: de la victimisation à la criminalisation constitue une excellente occasion d’élargir le réseau des groupes et des personnes intéressées et de stimuler les efforts engagés en vue de réaliser l’égalité des femmes. Véritable tremplin, la conférence donnera une voix au chapitre aux femmes traditionnellement privées de leurs droits. Elle permettra également d’accélérer la réforme à plus long terme des programmes sociaux, des politiques et des lois axées sur la protection des femmes et des filles criminalisées et victimes de violence.
 
Plus de mille femmes de tous les milieux et de tous les secteurs ont été invitées à assister et à participer aux séances, particulièrement celles qui ont été prisonnières, victimes de violence ou qui ont d’autres expé- riences à relater en rapport avec le système pénal, ainsi que les hommes qui s’intéressent à la question. L’événement a attiré les personnes qui travaillent à titre d’intervenantes professionnels et de première ligne, les prestataires de services et les spécialistes du droit, les responsables de politiques, les politiciennes ainsi que les universitaires.
 
La conférence a porté sur plusieurs sujets, tels que la prostitution et le commerce illicite des femmes et des jeunes filles, la violence faite aux femmes, l’expérience des femmes marginalisées au sein du système de justice pénale, la prévention du crime et la justice réparatrice, de même que l’impact des lois et des politiques gouvernementales. Dans ce contexte, les participantes et participants ont examiné les grands obstacles systémiques qui empêchent les femmes d’atteindre l’égalité politique, économique et sociale au Canada, et se sont attardés particulièrement aux questions de la race et la classe.
 
Voici les questions qui ont été débattues en plénière.
 
Madame le juge Louise Arbour, Cour suprême du Canada, ancien procureur des crimes de guerre et commissaire responsable de l’enquête sur certains événements qui se sont déroulés à la prison pour femmes de Kingston, avait à répondre aux questions suivantes :
 
La loi dessert-elle bien toutes les femmes?

Une deuxième plénière réunissant des féministes et notamment Judy Rebick, ancienne présidente du NAC, s’est attardée aux questions suivantes :
 
Stratégies de changement social : En quoi peuvent-elles aider les femmes? Comment évoluer en s’appuyant sur des théories de changement social différentes et en tenant compte des politiques électorales, des mécanismes de droits de la personne, de l’autonomie gouvernementale autochtone et des stratégies anti-mondialisation?

Les autres plénières portaient sur :
 
La justice réparatrice

Le débat service/défense

La police au Canada : Soit ils ne viennent pas, soit ils ne nous laissent pas tranquilles

Pouvons nous/allons-nous former une coalition nationale pour lutter contre le programme de «la loi et l’ordre»?

Peut-on adopter une cause commune/ poser des gestes communs pour mettre fin à l’emprisonnement des femmes?

Déclaration de clôture
L’Association canadienne des centres contre le viol et
L’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry
 
Le rassemblement historique de cette semaine de plus de 600 femmes, dans la capitale nationale, a été un pas délibéré pour faire avancer la lutte en faveur de l’égalité des femmes. Ce n’est pas un hasard si les femmes qui représentent toutes les régions de ce pays se trouvent réunies dans le Centre de conférence du gouvernement, tout juste de l’autre côté de la rue du Parlement.
 
La planification de la conférence a été empreint de transparence, et ce n’est pas un hasard si ce rassemblement a été accessible et ouvert à toutes et à tous, y compris les médias. Particulièrement en ce moment, ce n’est pas un hasard si les présentatrices invitées à cet événement ont été choisies délibérément pour leur travail et leur grande compréhension des enjeux.
 
Bien que nous ayons travaillé pendant plus d’un an pour élaborer le programme de la conférence, qui proposait des sujets qui ont été examinés par les féministes du Canada depuis quelque 30 années, des discussions de fond ont mené à la décision de parler des attentats du 11 septembre à New York et Washington dans le contexte international actuel. Cela aurait été peu productif, voire naïf, de procéder sans examiner les réalités du climat politique mondial et l’imbrication de telles réalités à nos luttes pour un changement social progressif.
 
Comment ces défis auraient-ils pu être abordés sans penser à la menace de la guerre qui plane? Les racines et les ramifications des événements mondiaux récents sur notre mouvement sont profondes. Nous ne pouvons pas aller de l’avant comme si le travail de la police n’avait pas changé et que les populations carcérales n’augmenteront pas, comme si nous n’étions pas menacés par d’autres restrictions à l’immigration, comme si la violence non motivée par le racisme n’existait pas, comme si les ressources ne sont pas déjà redistribuées et comme si les protestataires ne sont pas déjà l’objet d’attaques.
 
En tant que participantes du mouvement indépendant des femmes du Canada, nous avons réussi à créer ce forum dans le but d’avoir des discussions et une réflexion provocatrices et intelligentes.
 
Dans la foulée de la controverse entourant le discours d’ouverture de la conférence, par Sunera Thobani, la féministe canadienne bien connue, nous souhaitons dénoncer la presse et les membres élus au Parlement pour leur mauvais traitement de Mme Thobani, de la conférence, des participantes et participants et des mouvements pour le changement social.
 
De nombreuses femmes sont arrivées à Ottawa, cette semaine, craignant déjà la guerre. De nombreuses femmes craignent aussi que les préparatifs de la guerre servent à justifier une amplification du programme de la loi et de l’ordre ainsi que pour attaquer le développement de l’égalité des femmes.
 
On ne devrait pas s’étonner de voir que les groupes de femmes sont parmi les premiers à dénoncer les représailles violentes proposées contre les événements du 11 septembre. Nous ne voulons pas d’autres morts en raison de l’agitation internationale.
 
Cette semaine, les voix qui ont lancé un appel pour des solutions de rechange à la crise du 11 septembre ont été l’objet d’attaques, alors que l’espace pour de telles voix est sérieusement menacé. Chaque femme et chaque homme dans ce pays devraient craindre les conséquences potentielles des réactions qui cherchent à condamner, ridiculiser et supprimer l’opposition au programme de la guerre et de la violence.
 
Les femmes réunies ici sont unies par leur préoccupation face à la politique gouvernementale canadienne et ses répercussions sur l’égalité des femmes, sur la lutte pour mettre un terme au racisme et la lutte pour vivre autrement que dans la pauvreté. Nous sommes préoccupées par la terrible question de savoir comment mettre un terme à la violence contre les femmes sous toutes ses formes. C’est à juste titre que nous examinons toujours la question de la guerre.
 
Pendant vingt ans, l’ACCCV a discuté et critiqué la politique gouvernementale pour mettre un terme à la violence faite aux femmes. On a parlé d’immigration, des questions de justice pénale, de relations entre le gouvernement fédéral et les provinces, du traitement des personnes incarcérées, des projets de justice réparatrice et du finance- ment des groupes de femmes indépendants. Nous luttons pour faire avancer la question des droits économiques des femmes. L’ACCCV existe pour multiplier les effets des centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle partout au Canada, et cela en parlant au gouvernement fédéral d’une seule et même voix.
 
Pendant vingt-deux ans, l’ACSEF a travaillé pour humaniser et personnaliser les questions des femmes criminalisées. Nous avons attiré l’attention du gouvernement fédéral sur les questions touchant les femmes criminalisées et nous nous efforçons de démontrer le fait que les femmes qui sont le plus marginalisées à cause de leur race, leur classe, leur orientation sexuelle et celles qui sont victimes de violence, sont celles qui risquent le plus d’être ciblées par la police, d’être poursuivies par l’État, de recevoir une sentence d’emprisonnement et d’être vilipendées par la population. Une partie de notre rôle consiste à détruire le mythe à l’effet que les femmes sont une source de violence sociale. Notre travail consiste également à protéger les personnes qui militent en faveur d’un changement social progressiste. Pour ce faire, nous devons créer un endroit où nous pourrons entendre la voix des femmes.
 
Nous demandons à toute la population du Canada, aux individus et aux organismes en faveur de la lutte pour l’égalité, la paix et la justice, en faveur du droit à la liberté de parole et à la démocratie participative, d’unir leur voix à la nôtre en cette période critique. Nous vous encourageons à participer à ce vaste mouvement de solidarité par le biais de vos propres déclarations aux médias, vos propres conférences de presse, vos propres déclarations de soutien et vos demandes pour l’équité et l’ouverture d’esprit.
 
Pour tout renseignement supplémentaire, veuillez communiquer avec :
Lee Lakeman, ACCCV, par téléphone, au (604) 872-8212
ou Kim Pate, ACSEF, par téléphone, au (613) 238-2422.