Justice pénale Printemps 1997

Oh, drogue, quand tu nous tiens !

Dans son dernier film, Tu as crié, let me go, la cinéaste Anne Claire Poirier, nous invite à réfléchir sur notre perception des toxicomanes et appelle à la décriminalisation de la drogue.

Nous souscrivons à sa démarche, trop conscients que 40 % des femmes accusées le sont pour des délits reliés à la prohibition de la drogue, et que 50% de l’ensemble de nos clientes sont toxicomanes.

Les pathologies rencontrées chez les toxicomanes et la criminalité sont presque toujours attribuables au problème de l’accessibilité de la drogue. Pour s’administrer de la drogue, il faut des conditions d’accessibilité que la prohibition réduit à la clandestinité, à l’illégalité et à l’absence de tout contrôle hygiénique.

L’accessibilité étant prohibée, les prix sont exorbitants, entraînant les plus démunis vers la criminalité pour se procurer l’argent nécessaire.

D’une part, on criminalise un comportement, la consommation d’une substance, qui n’a rien à voir avec les principes qui servent à définir une infraction comme un tort à autrui, à la collectivité, et à leurs biens. En plus de criminaliser la consommation, la possession est toujours évaluée eu égard au trafic illicite, ce qui provoque la criminalisation de "petits dealers" qui en font le commerce.

L’idéal ne serait-il pas de sortir tout ce marché de l’ombre en rendant ces produits accessibles à un contrôle de la qualité et du prix. Les produits durs pourraient être disponibles en concentration modérée et plus contrôlée simplement.

Faut-il distinguer entre drogues douces et dures ? Exiger la légalisation des drogues douces à défaut d’obtenir celles des drogues dures ?

Certains croient que le débat sur la légalisation de certaines drogues moins dangereuses que d’autres ne fait que renforcer le pouvoir des experts médicaux et, de ce fait, la lutte à la drogue.

Plutôt que de criminaliser l’utilisation des drogues dures, il faudrait informer le public des effets de chaque substance au même titre que pour les autres produits de consommation. À chacun de prendre sa décision de façon responsable.

Nous vous invitons donc, avec ce numéro, à une réflexion sur ce sujet, que nous continuerons d’alimenter dans le prochain Femmes et Justice.