Justice pénale Printemps 2001

Conférence de Mme Louise Arbour, juge de la Cour suprême du Canada

Dans le cadre de la conférence internationale tenue à Ottawa du 1er au 3 octobre 2001, sous le thème De la Victimisation à la Criminalisation, l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry avait invité Mme Louise Arbour, juge à la cour suprême du Canada.
 
Celle-ci nous est connue pour son implication au Tribunal pénal international sur les causes de guerre et surtout pour sa présidence de la commission d’enquête sur certains événements à la prison des femmes de Kingston.
 
Les organisatrices lui avaient demandé de parler de la manière de garantir la sécurité des personnes vulnérables, particulièrement les femmes et les enfants; l’imputabilité des autorités sans imposer de punitions plus sévères; la réponse aux besoins des victimes sans éroder les principes de justice et de protection des accusés; l’égalité et la justice sociale pour les femmes dans le contexte socio-économique et politique actuel.

 
 
Merci, merci beaucoup. Dès le début laissez-moi vous dire que je trouve que c’est vraiment parfois très bien d’être contrainte par la règle du droit. Je ne vais certainement pas désavouer cette partie-là de ma vie professionnelle. Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui et laissez-moi vous dire que lorsque Kim Pate m’a appelée pour me demander si je voulais bien venir vous parler, ma première réaction, immédiate, aurait dû être de dire non. Non, parce que cela faisait partie de mes résolutions du Nouvel An que de refuser de venir prononcer des discours où que ce soit. Or, si je suis ici aujourd’hui, c’est bien parce que je suis faible moralement. Je suis sûre que c’est un sentiment que vous connaissez vous-mêmes. On abandonne rapidement les belles décisions que l’on a prises lorsque quelque chose d’attrayant ou d’intéressant arrive. Je dois vous dire que si vous connaissez Kim Pate, vous savez comme moi que c’est beaucoup plus facile de dire oui quand elle vous demande quelque chose que de dire non. Que de s’opposer à elle! Cela vous explique donc pourquoi je suis là aujourd’hui, mais en partie seulement.
 
La véritable raison de ma présence ici aujourd’hui c’est, en fait, que je veux me relier à des sujets, à des questions qui m’ont profondément touchée, auxquelles j’ai travaillé en 1995-1996, et dans une certaine mesure que j’ai dû abandonner pour des raisons qui échappaient à mon contrôle. Maintenant, j’ai l’impression que je reviens tout juste à ce genre de réalité, à ce genre de question et j’espère pouvoir discuter de ces questions avec vous. Puisque je n’ai pas été en contact étroit avec les sujets que vous allez aborder à cette conférence, je suis bien consciente du fait que je n’ai pas de solution toute prête à vous offrir aujourd’hui. Je n’ai qu’un regret, c’est que c’est la première journée de la séance d’automne de la Cour suprême et qu’il faut que je retourne là-bas. Je ne peux donc rester à tous les ateliers que vous allez tenir cet après-midi. La plupart semblent vraiment très intéressants. Ils soulèvent les questions des plus difficiles.
 
Donc, j’ai dit à Kim que j’allais aborder toutes les questions qu’elle me proposerait mais ma préférence irait, parce que j’ai assez peu de temps, à un échange d’idées. Donc, ce que je me propose de faire c’est de vous présenter quelques idées, de les mettre sur la table en quelque sorte, des sujets qui tournent autour des questions que l’on m’a confiées et ensuite j’aimerais pouvoir vous écouter, prendre vos questions, m’engager avec vous dans un dialogue. Les remarques que j’ai préparées sont en anglais bien sûr, mais je serais très heureuse de pouvoir vous répondre en français si vous voulez poser une question en français. J’ai l’impression que vous avez tout l’équipement d’interprétation voulu. Ce sera parfait.
 
Laissez-moi donc commencer par vous dire, ce qui est évident d’ailleurs, que le thème général de cette conférence vient au bon moment. Il ne pourrait pas venir à un meilleur moment ! Car il montre à quel point il est difficile de faire l’équilibre entre les droits et les responsabilités, entre les aspirations légitimes de la victime et celles de la société en général et la protection qui doit être offerte aux délinquants dans le cas de la justice criminelle. Cet équilibre difficile ne repose pas sur une formule scientifique. L’équilibre, ce n’est pas une question de choix intellectuel ou de découverte intellectuelle, c’est une question de choix politique. Ces choix politiques sont basés sur une recherche permanente, sur les déclarations des groupes porte-parole, les développements juridiques en général et l’humeur du temps, de l’époque. Donc, il y a des périodes où on fait des progrès réels et des périodes où, hélas, on fait marche arrière de façon inexplicable. Alors, tous ces mouvements de pendule se produisent au niveau politique et c’est le groupe le plus vulnérable des victimes et des délinquants qui sont donc mis en danger par ce mouvement de pendule.
 
Kim m’a posé une grande question : «Est-ce que le droit peut vraiment faire justice à toutes les femmes?» La question qui est cachée dans cette première question est : « Est-ce que le droit peut vraiment faire quelque chose? »
 
Bien, vous savez, si je répondais par l’affirmative, vous sauriez bien que ce n’est pas vrai. Et si je vous disais que c’est impossible, que le processus juridique est impuissant à rendre la justice, ce serait bien triste, ce serait négatif. Alors, à mon avis, la force de la loi, la pertinence de la loi a été améliorée au cours des 20 dernières années, aussi bien au Canada que sur la scène internationale d’ailleurs. À tel point que maintenant la justice peut se préoccuper de sa propre capacité à faire face aux attentes qu’elle fait naître. Il est évident que la mise en application de la Charte des droits et libertés du Canada, et en particulier la mise en application de ces dispositions sur l’égalité, trois ans plus tard, tout cela a énormément augmenté l’importance de la justice dans le contexte social de notre pays. Et là je parle de justice en voulant signifier à la fois la transformation de certaines idées politiques en droit pour les gens, et ensuite le fait de reconnaître que l’accomplissement, l’aboutissement de ces droits, ce n’est pas seulement une question de politique, c’est une question de déterminer ce qui est bien et ce qui n’est pas bien. Ce qui peut se faire et ce qui ne doit pas se faire. Un concept équivalentest né sur la scène internationale. On a essayé d’envisager de nouveau un processus de justice criminelle pour les crimes de guerre. À l’exception des procès de Nuremberg et de Tokyo à la fin de la deuxième guerre mondiale, la justice ne s’était jamais auparavant vue utilisée comme un moyen dans l’arsenal de la paix. Les outils classiques pour gérer les conflits parlaient surtout de solutions diplomatiques, d’initiatives économiques, de pressions économiques, d’interventions militaires. La responsabilité personnelle au niveau criminel des leaders politiques ou militaires n’était pas vue comme une option valable car cela représentait une certaine menace à la souveraineté des états concernés. Or, quand on a commencé timidement à le mettre en application au niveau du conseil de sécurité des Nations Unies avec la création de deux tribunaux, un pour les cas de l’ancienne Yougoslavie et un pour les cas du Rwanda, cela a fait naître toute une vague d’attentes et d’espoirs qui, à long terme, aboutira peut-être à des conséquences semblables à celles que l’on a vues au Canada quand on a mis en application la Charte des droits et libertés. On aura ainsi des tribunaux, un forum, où les victimes les plus silencieuses pourront enfin se faire entendre et les criminels les plus experts dans leurs défenses pourront tout de même se faire accuser. Les pacifistes, et les jeunes en particulier, sont très sceptiques et ils pensent que c’est une absurdité que d’avoir de telles lois, des lois de la guerre. C’est une tentative cynique, d’après eux, pour introduire un peu de civilisation dans une entreprise qui, de manière générale, est la représentation de l’échec de la civilisation. Or la réglementation de l’usage de la force, y compris de la force physique parfois même très forte, mortelle, fait pourtant partie de l’interaction humaine, notamment par exemple dans le droit à l’autodéfense. Et on a vu des commandants, dans le domaine politique ou militaire, orchestrer des crimes contre l’humanité. À mon avis, c’est là, la façon dont on va pouvoir réagir, sinon à la guerre elle-même, du moins pour contrôler ses excès. En rétrospective, il semble incompréhensible que le droit international se soit montré si lent face aux problèmes de la sécurité des êtres humains ou face à l’utilisation de certains outils pour contrôler l’ordre social. Les outils qu’offre un système de justice décent au niveau criminel. Maintenant que cela vient d’être lancé, et avec beaucoup de succès à mon avis, le phénomène est irréversible. Cela confirme, à mon avis, que la loi, le droit, peuvent avoir des résultats et que la justice évolue tout doucement pour devenir enfin universelle en favorisant l’accès à la justice.
 
La question la plus difficile est maintenant la suivante. « Est-ce que la justice et le droit sont là pour tout le monde, en particulier pour toutes les femmes? Est-ce que ça peut leur donner satisfaction? »
 
À mon avis, il y a là des questions graves d’accessibilité, d’attente, d’espoir. Dans le cas de la justice criminelle, traditionnelle qui nous préoccupe ici aujourd’hui, l’accès est particulièrement important pour les victimes. Que ce soit aux niveaux canadien ou international, il y a eu une augmentation énorme dans la prise de contrôle ou dans l’expression de la part des victimes dans le processus de la justice. On le voit surtout dans les lois qui traitent de violence sexuelle où il y a eu des progrès réalisés chez nous et ailleurs ainsi que dans le droit familial. Par exemple, cela a permis de faire inclure le viol dans les crimes de guerre en assurant que le viol soit plus reconnu comme étant un sous-produit inévitable de la guerre ou d’un conflit armé. Pour le délinquant, évidemment, cela fait naître d’autres questions. Est-ce que la justice criminelle est adaptable? Peut-elle s’adapter aux circonstances particulières de chacun des cas? Peut-elle envisager que les gens regroupés sous l’étiquette «délinquant» ont fort peu de choses en commun sauf qu’ils sont entrés en conflit avec la loi d’une façon ou d’une autre? Le traitement des femmes dans le système correctionnel est délicat et la façon dont on réagit aux questions de santé mentale dans le système correctionnel également. À ce niveau aussi, les attentes, les espoirs, c’est une question d’accessibilité et une question de possibilité.
 
Je vois les sujets que vous étudiez à cette conférence et je me rends compte que vous allez passer beaucoup de temps à étudier cette question d’équilibre. Comment peut-on, de façon équilibrée, répondre aux besoins et aux attentes légitimes de ceux qui se tournent vers la justice criminelle pour obtenir réparation, tout en étant suffisamment sévère pour éviter qu’il y ait des injustices de commises, soit au départ, soit pendant le processus, soit dans le résultat lorsqu’on va identifier et punir le délinquant. Alors, c’est une question quasiment permanente qui sera toujours là pour la justice criminelle mais elle est particulièrement aiguë aujourd’hui pour les femmes. Tellement aiguë parce que les femmes sont dans une situation spéciale. Il y a des circonstances tout à fait particulières qui ont entouré la victimisation des femmes et la réaction correctionnelle, criminelle presque, vis-à-vis la culpabilité des femmes. Les salles des tribunaux sont devenues l’endroit où on tente de garder l’équilibre entre le besoin de recours judiciaire pour la victime et le besoin de punir le coupable.
 
Il faut tout de même tenir compte des aspirations différentes des parties en justice criminelle. Celle-ci évolue dans un environnement où les êtres humains connaissent énormément de détresse, que ce soit du côté de la victime ou du côté du délinquant. On peut toujours s’opposer lorsqu’il s’agit de décider où se situe l’équilibre. Humbert Pathord a parlé du contrôle du crime et du modèle de justice criminelle. Il a beaucoup travaillé et m’a permis de bien comprendre le droit criminel. Je crois que lorsqu’il dit que le but du droit criminel dans une société libre c’est de libérer plutôt que de contraindre, je partage son opinion. Comme il l’a fait remarquer, et je le cite : « Le droit, y compris le droit criminel, doit dans une société libre être jugé en fin de compte sur la base de son succès, sa réussite à promouvoir l’autonomie de l’être humain et la possibilité pour chaque être humain de se développer, de croître. La prévention du crime est un aspect essentiel de la protection que l’on peut offrir dans l’environnement d’une personne pour que cette personne devienne autonome. Cependant c’est essentiellement un aspect négatif, un aspect qui, si on le poursuit avec trop de zèle, peut aboutir à créer un environnement dans lequel tout le monde est en sécurité mais plus personne n’est libre. » Voilà ce qu’il disait dans son livre The limits of the Criminal Sanctions (Les limites des sanctions criminelles).
 
Avant de vous donner la parole et de me lancer dans la discussion avec vous, je terminerai mes remarques par une petite histoire que j’ai souvent racontée mais qui illustre bien à mon avis ma conclusion, à savoir que le droit doit pouvoir satisfaire toutes les femmes.
 
« Pendant le conflit du Kosovo, pendant les bombardements de l’OTAN, un journaliste m’a dit qu’il avait parlé à une femme qui était dans un camp de réfugiés en Albanie. Comme bien d’autres femmes, elle avait été victimisée pendant la guerre, elle avait perdu son mari et son fils. Le journaliste a demandé à cette femme quel espoir elle avait pour l’avenir. Et cette femme a répondu : Quand je vais rentrer au Kosovo, si je peux, je vais aller tuer tous les Serbes et Allah, si je ne peux pas faire ça, je veux parler à cette femme juge. »
 
Alors je crois que cette femme a parlé en termes très simples, exprimant les rudiments d’une aspiration à voir le droit respecté dans un environnement où une telle chose n’avait jamais été possible auparavant. Je sais qu’elle a exprimé des préférences pour la vengeance et je sais que c’est à nous d’essayer de promouvoir d’autres idées et donc de promouvoir sa deuxième option, son deuxième choix. En fin de compte, cette femme ne sera peut-être jamais satisfaite par les délibérations d’un système de justice criminelle qui va rejeter la peine de mort. Mais cette femme a quand même commencé un processus qui continue à nous lancer un défi à nous toutes qui cherchons la place et la portée de la sanction criminelle dans une société juste. Merci (applaudissements).

Questions – Réponses
 
Mme la juge Arbour a répondu à six questions. Nous avons retenu les deux suivantes en raison de leur intérêt pour les femmes en justice pénale.
 
Je travaille au Canada avec les enfants qui ont été victimes de la prostitution, du commerce sexuel. J’ai regardé ce qui s’est passé à la Cour suprême quand il y a eu des cas de pornographie infantile. On espérait améliorer les lois pour protéger les enfants au Canada contre la pornographie et la prostitution. Mais ça ne s’est pas produit encore. Si les jeunes n’obtiennent pas justice devant les tribunaux, que fait-on vraiment pour protéger les enfants?
 
Je crois que votre question est sans doute le meilleur exemple de ce que j’essayais de démontrer tout à l’heure. Dans un sens, le système de justice, et surtout le système de justice criminelle, est devenu sa propre victime, la victime de son propre succès, parce qu’il a fait naître des attentes et des espoirs qu’il ne peut pas satisfaire. Par exemple, on a vu divers groupes d’intérêt prendre la parole, ayant découvert dans les tribunaux une sorte de forum où on va enfin écouter ce qu’ils ont à dire ou ce qu’elles ont à dire et où on va pouvoir avoir un dialogue, présenter des arguments rationnels. Mais le tribunal n’est pas le seul forum possible. Cela fait naître tellement d’attente et d’espoir quand une question est présentée au tribunal. Même si c’est devant la Cour suprême du Canada, la Cour n’est pas équipée, n’a pas de mandat. Même si, de l’avis de certains, elle a déjà trop de pouvoir, ce n’est pas mon avis bien sûr mais certains pensent comme cela, la Cour n’a pas la possibilité d’aller au-delà de ses pouvoirs et d’examiner la constitutionnalité. Elle ne peut qu’examiner la constitutionnalité d’une loi. En dehors de ça, ces groupes d’intérêt qui sont tout à fait à l’aise devant les tribunaux doivent revenir au processus politique là où pendant longtemps ils n’ont pas eu beaucoup de pouvoir. Il n’est pas surprenant qu’ils pensent que la Cour, que le tribunal est un environnement préférable pour eux. Surtout après la Charte, après 1982, les tribunaux ont reçu un mandat, de s’occuper justement des groupes minoritaires, de ceux qui n’avaient jamais eu la puissance ou la force et qui pensaient qu’on ne les avait pas écoutés sur la scène politique. Mais le danger maintenant, c’est qu’il y a tellement d’espoirs et tellement d’attentes que l’on pense que les tribunaux vont pouvoir donner une réponse à tout. Mais les tribunaux n’ont qu’une portion de la réponse. Ils peuvent offrir un forum respectable, sobre où des discussions intelligentes peuvent avoir lieu. Ils peuvent permettre à une question de devenir visible pour le public. Mais en dehors de ça les Cours de justice ne peuvent être un terrain de bataille pour l’avancement d’une idée. Pour faire avancer les idées, il faut retourner devant le processus démocratique, politique, qui est celui de notre pays et parfois c’est bien sûr très frustrant parce que ce processus est souvent un petit peu moins bien accepté, moins bien réglementé, moins facile peut-être que les tribunaux.
 
 
Une autre question qui porte sur le travail fait par le groupe LEAF et le réseau des femmes handicapées CASAC et la Société Elizabeth Fry. Vous allez peut-être pouvoir m’éclairer davantage et m’expliquer le rôle de l’intervenant, celui qu’on appelle l’INTERVENER devant la Cour. Le rôle de cet intervenant est en train de se développer et il est censé avoir un peu de force dans certains cas. Par exemple une femme, dans un cas d’agression sexuelle, n’a plus à se battre toute seule, elle n’est pas abandonnée à ses propres ressources et on ne peut plus dire que le viol affecte une femme et une seule.
 
Depuis le tout début de la Charte, la Cour suprême du Canada a eu des politiques sur ces intervenants qui ont été modifiées, changées considérablement. Quand la Charte est arrivée, on n’avait jamais entendu parler dans la jurisprudence canadienne qu’il y ait qui que ce soit d’autre que les deux parties en cause qui se présentent devant la Cour suprême lorsqu’il y avait un conflit. Et fort justement d’ailleurs, judicieusement à l’époque, la Cour a réalisé qu’en vertu de la Charte, les droits des plaideurs devant le tribunal ne représentaient pas forcément tous les points de vue sur lesquels se greffait ce débat. Donc, ils ont commencé à devenir plus attentifs aux besoins ou aux réclamations de certains groupes, comme LEAF, et d’autres qui sont intervenus très souvent comme l’Association des libertés civiles du Canada par exemple, et d’autres groupes plus particuliers qui ont comparu souvent sur bien des questions. Il y a des coalitions de groupes d’églises par exemple, de toutes sortes de groupes à cet égard. Cela a permis d’enrichir le travail fait par le tribunal. Et aussi il faut que je félicite un peu les avocats tout de même, parce qu’un grand nombre d’entre eux ont commencé à travailler en collaboration très étroite avec ces groupes que vous avez mentionnés et à leur offrir la possibilité de s’exprimer devant les tribunaux en termes juridiques, en termes techniques. Nous pouvons tout de même dire que la Cour a entendu tel et tel point de vue et même si les juges ne sont pas prêts à l’accepter, ils l’auront au moins écouté. Je crois que c’est tout à fait vrai, de la Cour suprême en particulier. À mon avis, ça a été fondamental, pour permettre au tribunal de comprendre par exemple le difficile concept de l’égalité dès le départ, cela a beaucoup contribué à façonner la compréhension par le tribunal. Maintenant, c’est la deuxième vague en quelque sorte de la jurisprudence en vertu de la Charte. Je sais que vous n’aimez pas beaucoup dire cela, mais on a des cas beaucoup plus difficiles maintenant. Ce n’est pas seulement qu’on doit définir les droits en général de façon souple, mais il faut essayer maintenant de savoir quoi faire dans des cas bien précis quand les droits des individus entrent en conflit les uns avec les autres. Et ça c’est un peu moins théorique que ça l’était autrefois, c’est un peu plus réaliste, ça se base sur des cas réels. Les intervenants vont peut-être devoir réexaminer leur rôle et vont trouver une nouvelle façon d’intervenir pour ne pas abandonner leur travail de présentation d’une perspective sociale plus vaste, plus générale devant la Cour. Nous n’avons pas l’intention de revenir à l’époque où on se limitait à une lutte entre deux parties.