Femmes en prison Automne 1998

Stratégie communautaire à l’intention des femmes en liberté sous condition

Dernièrement, le Service correctionnel du Canada a déposé un document d’orientation touchant la stratégie communautaire et les éléments clés en ce qui a trait aux besoins en réinsertion sociale des femmes sous sentence fédérale.

En voici quelques extraits.

Profil des femmes purgeant une peine fédérale

La majorité des femmes purgeant une peine fédérale viennent d’un milieu marginalisé. La plupart ont un passé et un présent caractérisés par la pauvreté, la violence, des problèmes de drogues et d’alcool de longue date, un faible niveau de scolarité et un manque de possibilités d’obtenir un emploi bien rémunéré.

Les antécédents de violence physique et sexuelle et les problèmes de drogues et d’alcool sont encore plus répandus parmi les femmes autochtones. De plus, leur expérience des établissements des Blancs a amené ces dernières à se méfier de ces établissements ou à les détester ainsi qu’à mettre en doute la capacité de ces structures de répondre à leurs besoins (Sugar et Fox, 1990).

Voici quelques-unes des constatations faites lors d’une enquête menée auprès de 170 des 203 femmes purgeant une peine de deux ans ou plus qui a été entreprise pour le Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale en 1989 :

But de la stratégie communautaire

Les recherches et l’expérience nous apprennent qu’après leur élargissement, les délinquants et délinquantes qui sont isolés socialement réussissent moins bien que ceux qui peuvent faire appel à leur famille, leurs amis ou d’autres membres de la collectivité. En effet, ce sont souvent les liens existants avec la communauté générale qui permettent aux délinquants en liberté sous condition de se trouver un logement et du travail, d’obtenir une aide financière à court terme et de jouir du soutien social qui leur permet de se reprendre en main (Haines, 1991).

Plus tôt les femmes réussissent à réintégrer la collectivité où elles ont l’intention de s’établir, plus tôt elles peuvent établir des rapports sociaux constructifs avec leur famille, leurs amis et les autres membres de la collectivité ou commencer à se créer un réseau de ressources qui durera après l’expiration de leur mandat.

Le but de la stratégie communautaire est donc de favoriser aussitôt que possible le retour en toute sécurité des femmes, dans la collectivité qu’elles ont choisie. Ceci suppose une démarche à trois volets :

Au chapitre des besoins et des services, la stratégie communautaire du SCC identifie bien les principaux défis: répondre à des besoins élémentaires de survie, de soutien, d’emploi, de formation générale et professionnelle. Un autre défi identifié est celui d’offrir des services de support aux femmes qui sont responsables d’enfants.

Programmes centrés sur les femmes

Les femmes en liberté sous condition doivent avoir accès à des programmes et services qui leur sont destinés, surtout dans les domaines critiques comme les interventions postérieures à un traumatisme ou à des actes de violence, les traitements pour la toxicomanie et les responsabilités parentales. Il faut aussi tenir compte, en ce qui concerne la participation aux programmes, des besoins particuliers des femmes, par exemple le besoin d’assurer le soin des enfants.

Pour ce qui est des solutions, le SCC cible l’hébergement.

Solutions améliorées en matière de logement

Un des grands obstacles à la mise en liberté des femmes, au moment le plus opportun, dans leur propre collectivité, est l’absence de solutions en matière de logement, surtout pour celles qui obtiennent la semi-liberté. D’après la LSCMLC, le SCC doit avoir recours aux mesures les moins restrictives possibles, compte tenu du risque et des besoins du délinquant, et cette exigence s’applique aussi aux solutions en matière d’hébergement. Les femmes n’ont pas toutes besoin de surveillance, mais un grand nombre d’entre elles ont besoin d’un milieu résidentiel où elles seront appuyées.

Étant donné le petit nombre de femmes dans la plupart des endroits, on ne peut pas justifier l’établissement d’un centre résidentiel communautaire (CRC) exclusivement pour les femmes. On loge donc certaines femmes, qui y consentent, dans des CRC à population principalement masculine, pour leur permettre de retourner vivre dans leur collectivité le plus tôt possible.

Il faut veiller à ce que les femmes aiguillées vers des CRC, qui accueillent surtout des hommes, soient non seulement en sécurité, mais qu’elles se sentent à l’abri de toute violence. Dans certains CRC, il y a une section distincte où les femmes jouissent d’une certaine intimité et peuvent se sentir isolées des hommes. Les femmes qui ont été pendant longtemps victimes de la violence de la part des hommes peuvent avoir de la difficulté à vivre dans un CRC mixte, tandis que d’autres, qui ont eu un vécu différent, peuvent s’y adapter.

Appartements satellites

Ces appartements accordent plus d’intimité aux femmes tout en permettant une surveillance efficace. Il est important d’évaluer attentivement le risque et les besoins de la femme pour juger de l’opportunité de cette solution.

Placements dans une maison privée

Aux endroits où les maisons de transition n’existent pas ou ne constituent pas une solution économiquement viable, le placement dans une maison privée peut être un moyen d’assurer un soutien et une structure à certaines candidates.

Contrats avec des centres de traitement ou des centres pour femmes

Dans le cas de femmes qui, par exemple, ont besoin d’être traitées pour un problème de toxicomanie, les centres de traitement résidentiels communautaires peuvent représenter une solution. Les maisons d’hébergement pour femmes sans abri ou victime de violence sont souvent liées à d’autres ressources communautaires et peuvent offrir un logement convenable à court terme aux femmes qui obtiennent leur élargissement et les mettre en rapport avec un réseau de soutien qui leur assurera des services à long terme.

L’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry (ACSEF) prétend qu’il y a un urgent besoin pour des ressources capables de répondre à la demande en réinsertion sociale pour les femmes. Ce besoin est d’autant plus criant dans les Prairies et l’Atlantique, où il n’existe presque rien.

La stratégie du SCC ne relève surtout pas la grande donnée ou contrainte à laquelle nous faisons face: l’inégalité régionale (provinciale) en ce qui a trait l’accès à des ressources communautaires pour les femmes.

La question du recours à des ressources pour hommes quand il n’y a pas de ressources spécifiques pour femmes ou que le nombre de femmes est insuffisant pour en établir est probablement pour plusieurs l’aspect le plus problématique.

La stratégie du SCC propose une série d’options sans les qualifier outre mesure. L’ACSEF croit qu’il y a des principes fondamentaux qui doivent sous-tendre la stratégie:

Par exemple, pour ce qui est de l’hébergement, les maisons de transition devraient se situer dans les grandes villes du pays. On devrait développer des satellites dans les villes moyennes. La Société Elizabeth Fry du Québec expérimente le modèle en Estrie depuis mai 1997.

Le recours à des placements en familles d’accueil nous semble infantilisant tout en n’offrant aucune garantie de counselling, d’accompagnement et de support nécessaire à toute femme en réinsertion sociale.

Sur ce point, les orientations du SCC contenues dans la stratégie ne sont pas claires. On pourrait croire que les placements en famille sont tout aussi valables que les maisons de transition, quelle que soit la clientèle, ses besoins et son appartenance régionale.

Dans un deuxième temps, une fois satisfaits les besoins en hébergement transitoire, il faut s’assurer que la communauté offre sinon développe des services d’aide en réinsertion au travail, en formation professionnelle, des groupes de support pour femmes ayant des problèmes d’habiletés parentales, de toxicomanie, de santé mentale, d’abus sexuels et de violence conjugale. La collaboration de centres de femmes, de centres d’aide pour femmes victimes d’agressions sexuelles, de centres de traitement pour les dépendances aux drogues et à l’alcool, de centres pour personnes ayant des problèmes de santé mentale, ne sont qu’un exemple des collaborations requises.

L’ACSEF ne croit pas qu’il faille dédoubler ce qui existe déjà. D’ailleurs, en réinsertion sociale, il faut encourager les femmes à se servir des ressources disponibles à l’ensemble de la population pour répondre à leurs besoins sociaux, de travail, de formation, d’information, d’association.

Il ne s’agit donc pas de créer des ghettos pour les femmes mais de reconnaître qu’il leur faut des services spécifiques et spécialisés au début de leur réinsertion sociale pour ensuite les orienter vers une vie autonome et un fonctionnement social comme citoyennes de plein droit.

L’incapacité de respecter ces principes placerait le SCC en contradiction avec son énoncé de mission, la loi sur les services correctionnels et les dispositions de la Charte des droits sur l’égalité.

Il ne faut pas que la stratégie communautaire du SCC mène à des choix qui exacerberaient les désavantages des femmes sous sentence fédérale.