Justice pénale | Automne 1999 |
par Liliane
Aflalo
Espérons que ma philosophie CHOQUER PAR LE POSITIF sera contagieuse et
que toutes seront gravement atteintes!
Le service Option-vie (Life Line) est offert par la Société Elizabeth
Fry du Québec à lÉtablissement Joliette. Le rôle
de lintervenante accompagnatrice est dêtre disponible trois
jours par semaine pour les femmes qui purgent de longues sentences (dix ans et
plus) pour les accompagner et les aider à faire leur chemin. Le but est
de les amener à gérer leur sentence de la manière la plus
profitable et de favoriser leur réintégration en société.
Joccupe le poste dintervenante accompagnatrice depuis le mois de décembre
1998. Mes premières semaines ont été consacrées à
des rencontres individuelles avec les femmes du groupe des longues sentences et
à des échanges avec des membres du personnel. Cette période
ma permis didentifier certains besoins et certains désirs des
femmes détenues à Joliette. Souvent, les femmes qui sont détenues
à Joliette ont limpression que pratiquement tout est «impossible»
à réaliser en prison.
Une friperie carcérale
Le premier projet «impossible» fut de trouver une façon de
se procurer des vêtements doccasion. Les femmes mont dit que
ça faisait plus dun an quelles essayaient de trouver une solution.
Elles voulaient pouvoir shabiller sans dépenser au-delà de
leurs modestes moyens. Avec lassistance dune bénévole
de la communauté, jai établi un contact avec un comptoir vestimentaire
de Joliette. Le comptoir nous prête une quantité illimitée
de vêtements. La «friperie» des longues sentences est aménagée
dans le gymnase pour une soirée de magasinage. Les femmes ont un coin dessayage
et un membre du personnel est présent comme caissier. Naturellement, il
y a une limite imposée par rapport au nombre darticles que chaque
personne peut acheter. Des bénévoles assistent à cette vente,
à titre de vendeuses. Après la vente, le reste des vêtements
et un chèque équivalant au montant des achats est remis au comptoir
vestimentaire.
Cette friperie a eu lieu à lautomne 1998, au printemps 1999, et la
prochaine vente se mettra en place dici peu. Les profits réalisés
serviront à créer un fonds pour dautres activités.
Un club de lecture
Au début de 1999, jai proposé un Club de lecture. Jai
choisi un texte dune écrivaine de Joliette. Le groupe de longes sentences,
à titre de fondateur du Club de lecture, a lancé linvitation
à toute la population carcérale à se joindre à cette
activité. Toutes celles qui étaient inscrites ont été
invitées à une soirée avec lauteure. Avec une participation
aussi forte, une deuxième oeuvre dun auteur espagnol fut choisie.
On prévoit une troisième activité avant Noël.
Groupes de rencontres
Des rencontres de groupes avec les femmes purgeant une longue sentence ont lieu
sur une base hebdomadaire. Afin de bien répondre aux besoins et aux attentes
de ces femmes, jinvite à loccasion des personnes ressources:
une avocate, une agente de libération conditionnelle, ou des artistes uvrant
en musique, poésie, littérature, arts plastiques. Les participantes
du groupe des longues sentences apprécient énormément ces
invités. Elles sont touchées par le fait quun individu donne
de son temps pour partager avec elles. Aussi, toute nouvelle personne est comme
une bouffée dair frais derrière les murs de la prison.
Linitiation à lart
Les activités préférées par les femmes sont celles
qui touchent aux arts. Cest ainsi quune série de six cours
dexpression à travers les arts a été offerte à
deux reprises. Une troisième session débutera à lautomne
1999.
À lété 1999, lanimatrice du cours Expression
à travers les arts est venue bénévolement comme invitée
au groupe des longues sentences en compagnie dune autre artiste. Les deux
ont offert une soirée de partage à travers leurs uvres dart.
Au début du mois daoût 1999, les femmes purgeant de longues
sentences ont pu participer à un programme intensif de douze heures intitulé
« Lintelligence du corps ».
Choquer par le positif
Option-vie (Life Line) a contribué à la réalisation
de projets occupationnels sur une base régulière. De plus, le programme
offre un support individuel aux femmes ayant de longues sentences. Cet appui est
fait à travers des entrevues, des démarches pour améliorer
le quotidien de chacune, des contacts avec leur famille, leur avocat et des rencontres
de groupes de support.
Les femmes qui font partie du bassin qui porte létiquette «longues
sentences» ont en commun une réalité dincarcération
plus lourde que les autres. Trop souvent, leurs échanges se limitent à
leurs peines et à leurs misères reliées à lincarcération.
Pour contrer leurs pensées négatives, jai donc décidé
que ma philosophie serait: CHOQUER PAR LE POSITIF!
Je souhaite que limplantation des nouvelles activités leur donne
la possibilité de reproduire autant que possible la réalité
dune vie à lextérieur. Jespère aussi quà
travers ces projets, elles découvriront quelles ont des points et
des intérêts communs. Ceci leur permettra de profiter de lune
et lautre comme femmes
voisines
amies, et moins comme détenues.
Je suis convaincue quavec la réalisation dactivités
dans lesquelles ces femmes peuvent sépanouir, leur énergie
se mobilisera à travailler ensemble à améliorer leur sort
et leur bien-être dans lunivers carcéral.