Femmes en prison Printemps 1996

Recommandations de la Commission Arbour

L’honorable Louise Arbour, commissaire

En raison de l’impact des événements survenus à la prison des femmes de Kingston en 1994 et des nombreux appuis des milieux juridiques et des groupes de femmes aux travaux de la Commission d’enquête Arbour, nous avons pensé que nos lectrices et nos lecteurs apprécieraient lire l’ensemble des recommandations de ce rapport, que la Société Elizabeth Fry endosse totalement.

 

  1. Je recommande que ce rapport soit rendu public.

  2. Je recommande que le Secrétariat du ministère du Solliciteur général fournisse sur demande et gratuitement la bande vidéo de l’intervention de l’ÉPIU à la Prison des femmes les 26 et 27 avril 1994, joint comme pièce à conviction à l’original de ce rapport.

  3. Je recommande qu’une copie de cette bande vidéo soit jointe à tout exemplaire de ce rapport qui sera conservé aux Archives.

  4. En ce qui concerne les questions propres aux services correctionnels des femmes, je recommande:

    a) que le poste de sous-commissaire pour les femmes soit créé dans le cadre du Service correctionnel du Canada à un rang équivalent à celui de sous-commissaire régional;

    b) que la sous-commissaire pour les femmes soit une personne sensibilisée aux problèmes des femmes et, de préférence, expérimentée dans les autres secteurs du système de justice criminelle;

    c) que les établissements pour femmes purgeant une peine fédérale soient groupés dans une structure hiérarchique indépendante des régions dans laquelle les directeurs d’établissement rendent compte directement la sous-commissaire pour les femmes;

    d) que la sous-commissaire pour les femmes assume la responsabilité de la phase restante de mise en œuvre de l’initiative pour les femmes purgeant une peine fédérale relativement aux nouveaux établissements;

    e) que la recherche et le développement sur les questions relatives aux services correctionnels des femmes soient confiés à la sous-commissaire pour les femmes, avec les affectations budgétaires appropriées;

    f) que la sous-commissaire pour les femmes amorce une révision des lois et des politiques applicables aux établissements de femmes afin de simplifier les règlements et de s’assurer que les directives administratives respectent la loi. Plus précisément, la sous-commissaire pour les femmes devrait envisager d’éliminer le niveau des "instructions régionales" et de fonctionner exclusivement selon les directives du commissaire et les Ordres permanents qui sont propres aux conditions locales d’un établissement donné;

    g) que la sous-commissaire pour les femmes détermine auprès des autorités de chaque province et territoire si la coopération dans la prestation de programmes, les transferts, la formation conjointe du personnel et d’autres mesures analogues sont souhaitables pour obtenir une uniformisation administrative, sinon législative, de tous les services correctionnels pour les détenues dans l’ensemble du pays. À défaut de telles mesures, des accords d’échange de services pourraient servir à mettre en œuvre la plus grande intégration avec toute province intéressée à l’entreprise;

    h) que la sous-commissaire pour les femmes consulte les groupes de femmes, en particulier ceux qui ont participé à ces travaux, afin d’élaborer des programmes appropriés pour les détenues, conformément à l’article 77 de la LSC;

    i) que dans l’établissement de programmes, on accorde la priorité à l’élaboration de programmes de travail:

    i) qui comportent un élément de formation professionnelle;

    ii) qui sont encourageants au plan salarial;

    iii) qui constituent une occupation significative;

    j) que la priorité absolue de la sous-commissaire pour les femmes soit la libération et la réintégration des femmes incarcérées. La sous-commissaire pour les femmes doit immédiatement veiller à l’élimination des délais dans la gestion des cas qui empêcheraient la préparation dès que possible de la documentation requise pour l’examen par la Commission des libérations conditionnelles; que l’accès libre aux programmes communautaires soit assuré et que des initiatives soient mises en œuvre en vue des placements, conformément à l’article 81 de la LSC; et que d’autres liaisons avec la collectivité soient établies pour faciliter la réintégration;

  5. En ce qui concerne la dotation mixte, je recommande:

    a) qu’au moins un établissement fédéral soit doté de manière à ce qu’aucun homme ne travaille dans les unités résidentielles, ou que des ententes soient conclues avec un ou plusieurs établissements provinciaux où les unités résidentielles sont dotées exclusivement d’agentes de correction, pour le placement de femmes purgeant une peine fédérale. Au moment de leur placement, on doit tenir compte du désir des détenues d’être logées dans de tels établissements;

    b) que des protocoles explicites soient préparés dans chaque établissement où des hommes ont accès aux unités résidentielles afin d’assurer:

    i) que les travailleurs de première ligne sont toujours appariés à des travailleuses de première ligne lorsqu’ils patrouillent les unités résidentielles;

    ii) que le personnel masculin est exclu des patrouilles nocturnes des unités résidentielles;

    iii) que le personnel masculin est tenu d’annoncer sa présence dans une unité résidentielle ou dans la cellule ou la chambre d’une détenue;

    c) que tous les établissements fédéraux soient aménagés de manière à assurer l’intimité des détenues lorsqu’elles utilisent les toilettes et qu’elles s’habillent ou se déshabillent;

    d) que l’aménagement des unités existantes ou devant être améliorées dans chacun des nouveaux établissements respecte l’intimité des détenues sous surveillance étroite;

    e) que la politique du Service correctionnel en matière de harcèlement sexuel soit étendue pour s’appliquer aux détenues;

    f) qu’une femme soit nommée et chargée de surveiller et de rendre compte annuellement, pendant les trois années suivant l’ouverture de chaque nouvel établissement régional, au sous-commissaire pour les femmes de la mise en œuvre de la politique de dotation mixte dans les unités résidentielles des nouveaux établissements et de toutes les questions qui s’y rattachent, y compris l’efficacité de l’extension de la politique en matière de harcèlement sexuel à la protection des détenues;

    g) que la vérificatrice soit une personne indépendante du Service correctionnel;

    h) que la vérificatrice ait accès aux détenues et au personnel sur une base confidentielle et que son mandat consiste à évaluer le système plutôt que les personnes et à formuler des recommandations en conséquence;

    i) que le rapport annuel de la vérificatrice soit rendu public et qu’il soit accompagné d’une description de toute mesure corrective prise par le Service correctionnel pour corriger les problèmes qui peuvent avoir été cernés;

    j) que la sous-commissaire pour les femmes soit tenue, après trois ans, de présenter au commissaire des recommandations indiquant s’il est souhaitable de poursuivre la politique du Service correctionnel en matière de dotation mixte compte tenu des rapports de la vérificatrice, et de proposer des solutions de rechange au besoin.

  6. En ce qui concerne le recours à la force et aux ÉPIU, je recommande:

    a) que les ÉPIU masculines ne soient plus déployées dans un établissement pour femmes;

    b) que la proposition d’orientation du Service correctionnel en matière d’intervention d’urgence, qui comprend des techniques d’intervention d’urgence non violente, soit mise en œuvre dans tous les nouveaux établissements;

    c) que les ÉPIU, consituées et formées selon le modèle du Centre correctionnel de Burnaby ou autrement, éventuellement présentes dans les établissements régionaux, soient exclusivement composées de femmes;

    d) que, dans la mesure où l’on peut s’attendre à ce que des services de police locaux, la GRC ou tout autre organisme se sécurité puisse avoir à maintenir la sécurité ou à établir l’ordre dans un établissement correctionnel pour femmes, des protocoles d’ententes soient conclus avec ces organismes pour garantir que les personnes appelées à faire usage de la force contre les femmes, en particulier la fouille, soient informées précisément des limites de leur pouvoir;

    e) que le Service correctionnel du Canada reconnaisse que ce qui suit est une interprétation correcte de la loi en vigueur, ou qu’il cherche à modifier la loi en vigueur pour se conformer à ce qui suit:

    i) des hommes ne peuvent pas fouiller à nu des femmes. La seule exception applicable est lorsque le temps nécessaire pour trouver une femme pouvant effectuer la fouille mettrait la vie ou la sécurité de personnes en danger ou pourrait entraîner la perte d’une preuve. Aucun homme ne peut assister à la fouille à nu d’une femme sauf dans le cas susmentionné;

    f) que les détenues aient le droit d’obtenir les conseils avant de consentir à un examen des cavités corporelles et qu’elles soient informées de ce droit au moment où leur consentement est sollicité;

    g) que les examens des cavités corporelles ne soient effectuées que dans un cadre convenant à des interventions ou à des examens médicaux non urgents et consensuels;

    h) qu’un examen des cavités corporelles ne soit effectué que par une docteure, si la détenue en fait la demande, et que la docteure s’assure, à sa satisfaction, que le consentement n’a pas été obtenu par l’incitation ou l’intimidation;

    i) que l’on juge que les fouilles à nu et les examens des cavités corporelles exécutés contrairement à ces recommandations ont rendu les conditions de détention plus dures que prévu par la peine aux fins des recours visés dans la recommandation traitant des sanctions. (Voir la recommandation 8b) et c))

  7. En ce qui concerne les femmes autochtones et le Pavillon de ressourcement, je recommande:

    a) en ce qui concerne le Pavillon de ressourcement même:

    i) que l’accès au Pavillon de ressourcement soit offert à toutes les femmes autochtones purgeant une peine fédérale, quelle que soit leur classification actuelle;

    ii) que l’évaluation du Pavillon de ressourcement soit entreprise et qu’elle comprenne les critères non traditionnels de succès qui seront établis sous la direction de la sous-commissaire pour les femmes en consultation avec les collectivités autochtones, les détenues autochtones et des groupes de femmes au besoin. Le développement personnel, culturel et spirituel doit être considéré comme un élément important de l’évaluation;

    iii) que l’on envisage l’aménagement d’un établissement inspiré du Pavillon de ressourcement pour répondre aux besoins de toutes les détenues de l’est du Canada;

    b) en ce qui concerne les établissements régionaux autres que le Pavillon de ressourcement:

    i) que sous la surveillance de la sous-commissaire pour les femmes, tous les établissements régionaux exploitent les ressources du Pavillon de ressourcement pour élaborer des programmes et des méthodes correctionnelles correspondant aux circonstances et aux besoins propres aux femmes autochtones;

    ii) que des liaisons soient établies et facilitées entre les diverses sororités autochtones dans les prisons régionales et les comités de détenues en place, le cas échéant, au Pavillon de ressourcement;

    iii) que dans chaque établissement régional:

    iv) que la sous-commissaire pour les femmes prenne l’initiative de déterminer les détenues autochtones qui profiteraient d’un placement aux soins et sous la garde de la collectivité autochtone, tel que prévu à l’article 81(3) de la LSC et qu’elle rende compte dans les six mois de ses efforts de mise en œuvre de cette option; que la priorité soit accordée aux femmes qui ont des enfants dans leur collectivité autochtone; et que le placement communautaire soit appuyé d’une aide financière appropriée à la collectivité.

  1. En ce qui concerne les questions correctionnelles plus générales, je recommande:

    a) que le ministère de la Justice, à l’initiative du Solliciteur général, examine les mécanismes législatifs qui prévoient des sanctions pour interférence correctionnelle dans l’intégrité d’une peine;

    b) que ces sanctions prévoient, en substance, que si des illégalités, une mauvaise gestion évidente ou une injustice dans l’administration d’une peine rendent la peine plus dure que celle imposée par le tribunal:

    i) dans le cas d’une peine non obligatoire, une réduction de la période d’incarcération soit accordée afin de reconnaître le fait que la punition administrée était plus sévère que celle visée si un tribunal en décidait ainsi;

    ii) dans le cas d’une peine obligatoire, les mêmes facteurs soient reconnus en faveur d’une libération anticipée;

    c) que le Service correctionnel informe correctement ses employés des droits des détenues incarcérées et de son engagement à veiller à ce que ces droits soient respectés et mis en application.

  2. En ce qui concerne l’isolement, je recommande:

    a) que l’isolement préventif, quand il est employé, soit administré conformément à la loi et surveillé de manière appropriée;

    b) que des visites quotidiennes des unités d’isolement par les cadres principaux de prison soient obligatoires et que l’exercice de cette fonction fasse spécifiquement partie de toute évaluation du rendement de ces directeurs;

    c) que l’obligation d’effectuer des visites quotidiennes aux unités d’isolement ne puisse pas être déléguée à un niveau inférieur à celui de directeur d’unité ou l’équivalent, sauf dans les très petits établissements où, les fins de semaine, ces fonctions pourraient être exécutées par l’agent chargé de l’établissement;

    d) que l’on mette fin à la pratique de la détention prolongée en isolement préventif;

    e) que dans ce but, un temps limite soit imposé avec les règles suivantes:

    i) si les conditions réglementaires préalables en vigueur pour l’isolement préventif sont respectées, une détenue peut être isolée pour un maximum de trois jours, tel que prescrit par le directeur du pénitencier, en réponse à un incident immédiat;

    ii) après trois jours, un examen a lieu si une détention supplémentaire en isolement est envisagée;

    iii) l’examen administratif spécifie quelle période supplémentaire d’isolement, le cas échéant, est autorisée, jusqu’à concurrence de 30 jours, pas plus de deux fois dans une année civile, ce qui fait qu’une détenue ne peut pas passer plus de 60 jours d’isolement non consécutifs dans une année;

    iv) après 30 jours, ou lorsque le nombre total de jours d’isolement pendant cette année a déjà atteint 60 jours, l’établissement doit envisager et mettre en application d’autres options, comme un transfert, le placement dans une unité de santé mentale ou d’autres formes de surveillance intensive, mais qui font appel à l’interaction avec la population carcérale générale;

    v) si ces options s’avèrent impossibles, ou si le service correctionnel estime qu’une période supplémentaire d’isolement est requise, le Service devra demander à un tribunal de déterminer la nécessité du prolongement de l’isolement;

    vi) après avoir été saisi de cette demande, le tribunal doit examiner toutes les composantes de la peine, y compris sa durée, afin de rendre un jugement conforme à l’intention initiale de la peine et à la situation actuelle de la détenue;

    f) à défaut d’une volonté de placer l’isolement sous surveillance judiciaire, je recommanderais:

    i) que les décisions d’isolement soient prises au niveau de l’établissement sous réserve de confirmation dans les cinq jours par une ou un arbitre indépendant;

    ii) que l’arbitre indépendant soit avocat et qu’il soit tenu de justifier une décision de maintenir l’isolement;

    iii) que des examens des isolements soient effectués tous les 30 jours, en présence d’une ou un arbitre différent chaque fois qui serait également avocat et qui serait également tenu de justifier sa décision de maintenir l’isolement;

    g) que l’on juge que le défaut de respecter une des dispositions susmentionnées a rendu les conditions de détention plus dures que prévu par la peine aux fins des recours visés dans la recommandation 8b) et c).

  3. En ce qui concerne la responsabilité des opérations, je recommande:

    a) que tous les comités nationaux d’enquête comprennent un membre de l’extérieur du Service correctionnel;

    b) que le membre extérieur soit sélectionné dans une liste de candidats acceptables dressée d’après les recommandations provenant du Service correctionnel et aussi d’organismes comme la John Howard Society et l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, l’Association du Barreau canadien, l’Association canadienne des chefs de police et tout groupe avec des intérêts et des compétences analogues;

    c) qu’un noyau d’enquêteurs spécialisés soit formé pour siéger aux comités nationaux d’enquête et, au besoin, à certains comités régionaux; que la formation soit mise au point d’après les techniques et les compétences de divers organismes de surveillance des forces policières;

    d) que les mandats confiés aux comités d’enquête leur demandent régulièrement de surveiller si le Service correctionnel se conforme à la loi, en particulier la loi qui traite des droits des détenus;

    e) que les mandats confiés aux comités d’enquête soit exprimés en termes clairs et précis et qu’ils stipulent une date de rapport réaliste;

    f) que les ressources appropriées soient mises à la disposition des comités d’enquête, y compris les services de secrétariat;

    g) que seuls les membres des comités d’enquête participent à la production du rapport final;

    h) que les comités d’enquête tiennent compte de leur obligation d’informer les personnes, y compris les détenues, en vertu de l’article 13 de la Loi sur les enquêtes.

  4. En ce qui concerne les plaintes et les griefs, je recommande:

    a) qu’un système soit mis en place pour attribuer une priorité à toutes les plaintes et les griefs reçus et que cet ordre de priorité entre en vigueur le jour où la plainte ou le grief sont reçus à ce niveau; la priorité doit de toute évidence être accordée aux plaintes qui touchent un sujet constant de nature grave;

    b) que lorsqu’une plainte ou un grief sont bien fondés au moment de leur formulation mais qu’ils ne requièrent pas de mesure directe au moment de la réponse, compte tenu d’un changement dans les circonstances qui ont donné lieu à la plainte, le Service soit tenu de reconnaître que la plainte était valide et qu’il indique à la détenue quelles mesures, le cas échéant, ont été prises ou seront prises pour éviter que le problème se reproduise;

    c) que tous les membres du Service correctionnel investis d’un pouvoir ou tenus de disposer des plaintes et des griefs soient spécialement autorisés à reconnaître une erreur de la part et au nom du Service correctionnel;

    d) que tous les membres du Service correctionnel investis d’un pouvoir ou tenus de répondre à des plaintes et des griefs soient informés des moyens permettant d’obtenir un avis juridique, si cela semble nécessaire pour le bon règlement d’une question qui pourrait vraisemblablement engager la responsabilité civile ou criminelle du Service correctionnel ou de certains de ses membres;

    e) que la détenue, si un grief demande une intervention juridique avant son règlement, soit informée du retard prévu et des raisons de ce retard;

    f) que l’on charge la sous-commissaire pour les femmes d’étudier et de mettre à l’essai, dans les nouveaux établissements régionaux, de nouvelles techniques de résolution de différends;

    g) que la résolution de différends au niveau de l’établissement soit axée sur l’élimination rapide des sources d’irritation et ce qui est le plus important, sur la réconciliation des personnes;

    h) que les commissaires étudie personnellement certains, voire tous les griefs qui lui sont transmis, comme les griefs au troisième niveau, à titre de méthode la plus efficace sinon la seule dont il dispose pour se tenir au courant des conditions de vie dans les établissements confiés à ses soins et à sa surveillance;

    i) que les griefs du troisième niveau, si le commissaire ne souhaite pas ou ne peut pas participer activement à leur règlement, soit dirigés vers une source extérieure du Service correctionnel aux fins de règlement, et que le règlement ait plein effet sur le Service correctionnel.

  5. En ce qui concerne les organismes extérieurs, je recommande:

    a) que les comités consultatifs de citoyens continuent à jouer le rôle important qui leur est attribué en vertu de la LSC et que le Service correctionnel évite de dénoncer ou de punir les membres du CCC s’ils adoptent une position de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions.

  6. En ce qui concerne l’interaction du Service correctionnel avec d’autres participants dans l’administration de la justice criminelle, je recommande:

    a) que les personnes expérimentées dans d’autres secteurs du système de justice criminelle, comme les avocats et les officiers de police, participent au recrutement et à la dotation de tout le Service correctionnel, y compris au niveau de haute direction;

    b) que la profession juridique sensibilise davantage ses membres aux questions correctionnelles par le biais des associations juridiques, les organisations d’avocats de la défense et d’autres parties engagées dans l’éducation juridique permanente, en offrant aux membres une formation sur le droit correctionnel;

    c) que le milieu judiciaire soit davantage sensibilisé aux questions correctionnelles par des programmes mis au point par l’Institut national de la magistrature et qui pourraient comprendre un rappel à tous les juges de leur droit conformément aux dispositions de l’article 72 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition;

    d) que les juges soient sensibilisés aux particularités des problèmes correctionnels des femmes, principalement en ce qui a trait aux préoccupations exprimées à cette Commission, soit que l’ouverture de nouveaux établissements régionaux pourraient allonger la durée des peines imposées aux femmes parce que les nouveaux établissements fédéraux seraient jugés plus aptes à répondre à leurs besoins;

    e) que les associations juridiques et le milieu judiciaire se base sur l’expertise du personnel correctionnel pour accroître leur connaissance des questions correctionnelles;

    f) que la formation intensive des agents de correction élaborée et mise en œuvre pour l’ouverture de nouveaux établissements régionaux soit maintenue comme modèle permanent de formation pour les agents qui doivent travailler dans des établissements pour femmes;

    g) que ce modèle de formation soit évalué et étendu, au besoin, par le Service correctionnel;

    h) que dans l’éducation et la formation permanentes, le Service correctionnel emploie l’expertise du milieu judiciaire, du Barreau et des services de police dans un effort visant à exposer le Service à une culture respectueuse des valeurs exprimées dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans l’ensemble de l’administration de la justice criminelle.

  7. En ce qui concerne les diverses questions soulevées par les faits de cette enquête, je recommande:

    a) que le Service correctionnel améliore l’accessibilité aux exigences de base des politiques et de la loi:

    i) en entretenant un examen de ses directives administratives afin d’assurer la conformité avec la loi et d’éviter les erreurs et les chevauchements entre les directives existantes du commissaire, les instructions régionales, les ordres permanents et les consignes de poste;

    ii) en réduisant la multiplicité des sources, peut-être par l’élimination des instructions régionales;

    b) que les interventions des ÉPIU continuent d’être filmées sur bandes vidéo dans l’avenir et que les types analogues d’intervention dans les établissements pour femmes soient également enregistrées sur bandes vidéo;

    c) que les bandes vidéo soient considérées comme un rapport des événements; la bande vidéo doit, si possible, saisir la scène telle qu’elle était avant l’intervention de l’équipe et indiquer pourquoi certains événements n’ont pas pu être enregistrés;

    d) que l’on vérifie immédiatement la clarté et l’exactitude de toutes les bandes vidéo de l’ÉPIU et que l’on joigne des rapports écrits sur l’usage de la force ou des rapports des événements lorsque ces bandes s’avèrent insuffisantes comme système de rapport;

    e) que toutes les bandes vidéo de l’intervention de l’ÉPIU soient immédiatement transises à l’Enquêteur correctionnel avec tout rapport sur l’usage de la force ou rapport des événements;

    f) que les politiques actuelles concernant l’usage de gaz incapacitants ou d’irritants en aérosol soient strictement mises en application et que l’utilisation abusive soit découragée par les exigence suivantes:

    i) que les bonnes procédures médicales de décontamination soient mises en application après leur utilisation;

    ii) qu’en l’absence de directive médicale, les personnes affectées soient autorisées à prendre une douche, qu’on leur fournisse des vêtements de rechange et qu’on les éloigne de l’aire immédiate;

    iii) que seul un personnel spécialement formé continue à utiliser les gaz incapacitants;

    iv) que la quantité exacte de gaz incapacitants utilisée à chaque occasion soit inscrite correctement; pour ce faire, que les contenants de gaz incapacitants soient pesés après chaque utilisation et le poids enregistré;

    v) que les gaz incapacitants ne soient livrés à un établissement qu’en petites quantités et que le réapprovisionnement soit effectué seulement après avoir vérifié que l’utilisation précédente était appropriée;

    g) que le dispositif électronique de surveillance des cellules ne soit jamais utilisé dans le seul but de commodité et qu’il serve uniquement lorsque des questions de sécurité urgentes l’exigent, comme des indices de suicide possible; mais dans un tel cas, la caméra de surveillance ne devrait pas remplacer les rondes fréquentes qui permettent un contact humain et qui assurent une surveillance efficace de l’état de la détenue;

    h) que des mesures appropriées soient mises en place pour assurer que des hommes n’observent pas à la caméra les activités privées que les femmes peuvent avoir dans leur cellule et que les détenues soient conscientes des procédures visant à protéger leur intimité, comme un signal lumineux indiquant si la caméra est allumée ou éteinte;

    i) que les femmes qui ont été tirées de leur cellule par les hommes de l’ÉPIU les 26 et 27 avril 1994 et qui ont été détenues en isolement prolongé par la suite, soient dûment dédommagées par le Service correctionnel du Canada pour l’atteinte à tous leurs droits légitimes, à partir du 22 avril 1994, tel qu’établi dans le présent rapport.